03 mai 2008

6 jours de mer. Comment raconter tout ce qui se passe sur l’eau pendant toutes ces heures ?Vous dire que c’était super, trop bien, le top ect … une solution mais ce n’est pas trop rigolo. Alors, plutôt quelques anecdotes, en respectant la chronologie de la course.

Samedi matin, le bateau est prêt. Les problèmes de transport du bateau en Italie sont de l’histoire presque ancienne (48 heures tout au plus !). Le briefing nous apprend que le parcours est changé. Tant mieux, le parcours n’est pas vraiment réduit, mais nous n’aurons pas à nous frotté au gros temps sur le cap Corse. Sortie du port vers 13 heures, avec un panini dans le sac à bout afin de manger avant le départ. Mais c’est le soir que j’aurais le temps de manger un petit bout. En effet, le vent est assez fort, la mer agitée, et le ciel plombé.Souhaitant faire un départ sage, nous plaçons Zoukati calmement. Mais le placement de la flotte nous contraint à prendre un départ l’écoute entre les dents. Finalement nous ne lâcherons qu’une fois la ligne d’arrivée franchie.
Première nuit difficile, mal de mer par mer croisée agitée sans vent. Pierre rigole en constatant les seaux qui se vident sur les bateaux qui nous entourent. Pour ma part, pas de seau, directement par-dessus bord !!

L’arrivée sur l’ile d’Elbe à la tombée de la deuxième nuit se transforme en combat pour ne pas tomber dans le dévent de l’ile. A tour de rôle, nous cherchons le vent, la veine d’air qui nous donne quelques longueurs d’avance.
La nuit suivante se passe sous la pluie battante. Pierre est à fond, trempé. Je prends le quart suivant, mais moins téméraire, je fais la veille de l’intérieur du bateau avec la télécommande du pilote dans la main. Le merveille (le détecteur de radar) se met à sonner, de plus en plus fort, puis sans discontinuité. Le regard en éveil, je cherche … mais ne trouve pas le bâtiment responsable de cette recherche. Tour à coup, un cargo blanc de 100m de long est visible à … 300m devant l’étrave et en route de collision. Un bond sur la barre, un virement de bord en urgence et la coque métallique passe tranquillement à … 150m. Ouf ! Dire que j’ai pris 5 minutes la veille du départ pour brancher le détecteur.

Dans la journée du lendemain, nous passons à Giglio, en seconde position. Enfin presque ! En prenant contact avec Bahia, en tête de la course, il nous apprend qu’il est second et que Indenia (un autre bateau de série) est devant. Donc troisième !
Le soir, au passage du détroit de Piambino nous sommes enfin seconds à 50m du premier. A fond sur la tactique, mais sans vent. Cela ne va pas durer, un coup de vent est annoncé.
Bien préparé, à part l’estomac (comme d’habitude), Pierre est à la barre dans sa TPS (combinaison de survie pour être plus confortable). Il rêvasse en prenant des montagnes d’eau sur le dos. Une vacation VHF (la radio de bord) appelle LopLop (le pogo1 FRA 320). Et voila mon Pierre, qui donne sa position comme si de rien n’était. Le temps de m’extraire du fond du bateau et de lui rappeler qu’il est sur Zoukati, et le voila en train de se confondre en excuses sur les ondes. LopLop est son ancien bateau (avec lequel il a couru la transat 6,50 en 2005 comme moi). Et pris dans un relent de nostalgie il se voyait à la barre de son fidèle coursier (en fait un peu plus loin derrière).
Fin de coup de vent, pétôle (plus de vent), passage à Gènes en 5ème position en se faisant doubler dans la fin du coup de vent. Gènes, une ville « vivante » : à plusieurs milles au large, la ville gronde, un ronronnement sourd. Ce sont les différents moteurs des bateaux de commerce et de transport qui crée cette ambiance irréaliste. Et c’est reparti pour un deuxième tour (un peu plus court). Sur les ondes, les plus fragiles commencent à râler sur cette difficulté psychologique, passer devant le port et repartir pour au moins 2 jours de mer ! On coupe le cerveau et on retourne au combat avec nos petits adversaires.

Passage à Galinara (petite poule ?), Gilbert (organisateur des 3 continents l’an dernier) est au pointage. Petite discussion sur la beauté du lieu (même de nuit) et c’est reparti. Le lendemain en se levant, il voit quelque chose dans l’eau. Ni une ni deux, il plonge. A midi, il y a aura du homard. La vie est belle ;-))

Un bon bord de reaching sous génaker (allure proche du travers au vent avec un très grand génois). Une nageoire dorsale sort de l’eau. Certainement un poisson lune, gros poisson rond qui flotte entre deux eaux, qui a l’habitude de prendre peur à l’approche d’un bateau et de se remplir d’eau pour couler. Mais non seulement il ne coule pas, mais en plus il est en route de collision. J’abats pour l’éviter, mais il accélère ! Au dernier moment, il vient se mettre dans le safran tribord. A 7 nœuds, le choc est assez violent. Pierre sort la tête et découvre le requin qui continue son chemin … surement bien amoché. Lorsque nous sortirons le bateau, nous plaignons cet étourdi : il a enlevé la peinture et les couches de résine epoxy avec son dos. La peau de requin est vraiment dure. Je dis requin, car l’ayant bien vu, ce poisson faisait 2m de long, le dos noir et le ventre blanc, le museau bien carré … pas du tout un poisson lune.Les très nombreux dauphins rencontrés seront bien plus respectueux de l’intégrité du bateau.

Atterrissage sur Gorgona. Il ne faut pas s’approcher de l’ile. Pourquoi ? Il s’agit d’un pénitencier en mer ! Deuxième passage dans la même course. Dire que des gars sont enfermés sur l’ile alors que nous nous en servons comme marque de parcours. Rien de plus sur : nous sommes libres sur nos bateaux, bien que dans un tout petit bateau. Nous relativisons encore une fois notre chance.

Dernière journée de tous petits airs. Une régate à 4 sur le golfe de Gènes. Une pression importante toute la journée, en sachant que le vent va encore s’écrouler à la nuit et qu’il faut vite arriver … et avant les autres que nous croisons régulièrement. A 18h, nous franchissons la ligne à 0 nœuds, devant Jolly Roger, pour 2 minutes et 15 mètres d’avance !! Eprouvant pour les nerfs, mais 3ème !! Nous sommes sur le podium. Rangement, nettoyage, grutage et voila Zoukati sur la route pour 10 heures de voyage afin de retrouver son emplacement à Palavas. Fin de la course … et tout cela pour une assiette à dessert !!

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